Brooke met fin à la disette nationale
29 AUG 2018
Par Peter Mumford
De tous les horizons du monde golfique, les félicitations affluent pour saluer l’exploit de Brooke Henderson après sa victoire à l’Omnium féminin CP, dimanche dernier.
Certains vont même jusqu’à souhaiter qu’on baptise un aéroport en son nom ou qu’on instaure un jour férié en son honneur.
Pourquoi tout cet émoi? Ce n’est pourtant pas le premier tournoi que remporte la jeune golfeuse de 20 ans. Elle compte en effet six victoires sur le Circuit de la LPGA, dont un titre en championnat majeur, et elle n’est pas sortie de nulle part. Les médias s’arrachent la petite fille de Smiths Falls, en Ontario, depuis son enfance.
Les Canadiens férus de golf font grand cas de son exploit parce que Henderson est la première Canadienne à remporter un Omnium canadien en 45 ans, depuis la victoire de Jocelyne Bourassa en 1973. Chez les hommes, il faut remonter à 1954, quand Pat Fletcher a obtenu le titre national.
La disette, pour l’orgueil national, durait depuis trop longtemps. C’est Mike Weir qui est passé le plus près de conjurer le mauvais sort en 2004, lorsqu’il a affronté Vijay Singh en prolongation à Glen Abbey. David Hearn a rallumé l’espoir des Canadiens en 2015, lorsqu’il menait au tableau de notre championnat national après 54 trous, mais comme Weir, il a dû s’incliner. Chez les golfeuses, Lorie Kane a frôlé le titre en 2000 quand elle s’est approchée de la tête au Royal Ottawa, lorsque la Classique DuMaurier était un tournoi majeur.
Malgré ces échappées et les rappels annuels de notre frustration nationale, on n’a pas vu souvent des Canadiens dans le peloton des favoris à un Omnium canadien. Voilà pour «l’avantage de la glace», comme on dit.
Mais déjà, il y a trois ans, la lumière est apparue au bout du tunnel quand Henderson s’est faufilée dans les rangs de la LPGA en remportant la Classique Cambia de Portland à 17 ans, puis s’est rapidement hissée dans les premiers rangs du circuit. Aujourd’hui, elle s’affiche sur les programmes de tournois et dans les publicités: on ne peut rater le sourire éclatant de la jeune Canadienne à la queue de cheval blonde.
Mis il lui restait encore un bout de chemin à faire pour passer de prétendante à championne.
Jusqu’à dimanche dernier, à Regina, Brooke connaissait une saison 2018 plutôt mitigée. Elle a remporté le Championnat Lotte en avril, puis est tombée sous le couperet la semaine suivante. Elle s’est retirée de l’Omnium féminin des États-Unis en juin après la mort d’un grand-père, puis a pris une autre pause au décès de son autre grand-père le 5 août.
Ces deuils ont dû affecter Brooke et sa sœur Brittany, qui porte son sac en tournoi, ainsi que son père et entraîneur, Dave. Mais la jeune femme a su en tirer un regain d’énergie.
«À l’intérieur des cordes, j’arrive à ne plus y penser négativement, dit-elle. Je sais que mes deux grands-papas sont au ciel à me regarder jouer et à m’encourager.»
La semaine précédente, à Indianapolis, on a vu que de belles choses s’annonçaient pour Regina. En ronde finale du Championnat Women in Tech, elle a fait preuve d’une grande maîtrise au jeu pour terminer au 7e rang ex æquo avec un score de 63.
Elle est une des plus longues cogneuses du Circuit de la LPGA et son bois de départ a fait des merveilles presque toute la saison, mais c’est aux fers qu’elle a eu le plus de difficulté. Au tournoi d’Indianapolis, dimanche, elle avait enfin repris le contrôle de ses cocheurs et fer droit.
En conférence de presse, à Regina, Brooke a recnnu que cette ronde finale du dimanche précédent lui avait redonné confiance: «De voir ces roulés tomber dans la coupe, ces oiselets s’afficher, ce score de moins 9 et ce bon classement dimanche, ça m’a donné un regain de confiance et un bon élan pour commencer ma semaine ici.»
Déjà au centre de l’attention populaire et médiatique au Wascana Country Club, Henderson s’est pointée à l’Omnium féminin CP forte de ce score de 63 qui a fait grimper l’effervescence, mais aussi ajouté beaucoup de pression sur ses épaules: elle se devait de bien performer en sol natal. Alors que certains athlètes s’accommodent facilement de la pression, Brooke avoue que ça l’effarouche, parfois.
«Quand je vois les affiches, je rougis car ça me gêne un peu, avoue-t-elle. Déjà, le fait de jouer sur le Circuit de la LPGA chaque semaine, c’est un rêve qui se réalise. D’arriver ici et d’être au cœur de toute l’attention, c’est grisant. Je vais m’en souvenir toute ma vie.»
Alors qu’elle monopolisait l’affection du public avant le tournoi, Brooke n’a pas mis longtemps avant de prendre le contrôle du jeu. Deux rondes de 66, suivies d’un score de 70 samedi, et voilà que Henderson détenait la tête du peloton, un coup devant l’Américaine Angel Yin. D’un océan à l’autre, on a ressenti l’espoir d’un titre national pour la jeune Canadienne.
Les analystes de golf adorent en débattre: est-il plus facile de gagner en protégeant son avance ou en remontant de l’arrière? Il ne fait aucun doute que le fait de détenir la tête du tableau s’accompagne d’une pression accrue. Certains golfeurs vont jouer de prudence et laisser les aspirants prendre toutes les chances, alors que d’autres vont continuer de jouer agressivement et de faire ce qui les a menés au sommet de la pyramide.
Brooke Henderson est une golfeuse agressive de nature, ce qui lui a parfois joué des tours mais, fidèle à elle-même, dimanche, elle a choisi la voie agressive. La Canadienne voulait ce titre à tout prix. Quand Yin a enfilé une séquence de trois oiselets sur le neuf de retour, Brooke a répliqué avec quatre oiselets. Son score final de 65 a été le deuxième meilleur de la journée, anéantissant tout espoir chez ses concurrentes.
Ce qu’on a pu voir, dimanche, c’est que Brooke Henderson, quand elle est allumée, est une des meilleures golfeuses au monde. Son titre de championne nationale chez elle restera sans contredit un des hauts faits de sa carrière. Elle en gagnera peut-être d’autres en sol natal, mais pour l’instant, elle peut savourer à satiété son triomphe au championnat qu’elle considère le sixième majeur de la LPGA, et aussi, surtout, le fait qu’elle a mis fin à une disette canadienne de 45 ans.
«C’est tout simplement extraordinaire d’avoir pu remporter ce titre, pour tous les Canadiens et pour ma famille, conclut Brooke. Ça va me prendre un peu de temps à digérer tout ça: je suis la championne nationale, c’est cool!»
Cool, en effet!
Peter Mumford est rédacteur en chef de Fairways Magazine. Suivez-le sur Twitter @FairwaysMag.