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Nouvelles de ClubLink

LE POUVOIR DU GOLF SELON TODD KEIRSTEAD

29 MAY 2019

Vous pensez avoir fait des tas de choses formidables dans votre vie? Jetez un coup d’œil à la page Facebook de Todd Keirstead et vous aurez l’impression d’avoir vécu au fond d’une caverne.

Le voici dans un défilé de mode, arborant fièrement un élégant smoking bleu à revers de satin noir. Et le voilà en compagnie de la légende du baseball Joe Carter. Ici, on le voit marcher en équilibre sur la rambarde extérieure, au sommet de la Tour du CN. Et il y a cet assortiment de tours de magie golfique lors du Super Bowl XLVII à La Nouvelle-Orléans. Sans oublier cette image où il regarde ses photos sur son téléphone en compagnie du prince Harry, Duc de Sussex et fils de Charles.

C’était au St. George’s Golf and Country Club, en septembre 2017, alors que Toronto était l’hôte des Jeux Invictus, un évènement sportif d’exception créé par le prince Harry pour les membres des forces armées et vétérans blessés, malades ou souffrant de divers traumatismes. Avec l’introduction du golf aux Jeux Invictus à cette occasion, Keirstead a été choisi pour faire partie du comité organisateur, mener les visites du club St. George’s et rédiger les règles en tant que superviseur de la compétition.

On peut croire que Harry se souvient de Todd et en parle encore. Avec son sourire de 500 watts, son effervescence digne du lapin Energizer et son physique de footballeur, Keirstead est difficile à oublier. Même son crâne reluisant a son histoire: «Des amis et moi nous sommes rasé la tête en 2006 pour une œuvre de bienfaisance, raconte-t-il. J’ai aimé l’allure que ça me donnait et je le garde comme ça.»

Mais c’est ce qui se trouve sous la surface qui rend l’homme vraiment intéressant – une sincérité et une empathie hors du commun qui conquiert tous les gens qu’il côtoie, que ce soit un personnage célèbre ou une personne aux aptitudes différentes.

Le défi est que Keirstead ne peut effacer de sa mémoire tous les récits qu’il a entendus, de vétérans de guerre ou de victimes d’accident, toutes ces histoires profondément humaines et personnelles de traumatismes qu’on a partagées avec lui. Il lui est impossible de mettre ça de côté, de laisser tomber un peu de ce poids du monde qu’il a aidé tant de gens à supporter. Mais il est tout aussi impossible d’oublier les mots de remerciement, les larmes de joie et de fierté de tous ceux qu’il a influencés.

Le cheminement qui l’a mené à devenir un expert du golf adapté a été, il l’avoue lui-même, plutôt détourné pour un athlète qui se croyait d’abord destiné au hockey professionnel. Mais somme toute, c’est un peu comme une normale 5 à deux coudes: vue de haut, la trajectoire de Kierstead semblait toute tracés pour l’amener à changer des vies.

Todd Keirstead
Né le 13 novembre 1970 à Scarborough, ON
Domicilié à Whitby, ON
Fondateur de: Golf With Attitude et Bring Back the Game

Q: Parlez-nous de vos parents.

R: «Ma mètre travaillait à l’usine et mon père était laitier. Il est mort du cancer en 2009. Les médecins lui donnaient trois mois à vivre et c’est ce qu’il a eu. Mais ça lui a donné le temps de mettre de l’ordre dans ses affaires et de dire adieu à ses proches. On était bons amis, mais il m’a élevé pour que je devienne un joueur de hockey dur à cuire qui ne laisse jamais paraître ses émotions. Durant ces trois mois-là, tout a changé. Une expérience étonnante. C’est comme ça que je vois ça, le côté positif de la situation.

Mes deux parents m’ont beaucoup aidé, avec tout le soutien qu’ils m’ont donné quand je grandissais, surtout quand j’ai commencé dans l’industrie du golf. C’est mon père qui m’a mis un bâton de golf à la main pour la première fois quand j’avais deux ans et demi, à peu près, et il était là quand j’ai obtenu mon certificat de la PGA du Canada. Les moments de rapprochement qu’on a eus ensemble sur le parcours de golf furent formidables. C’est un peu pour ça que je fais ceci, aujourd’hui. J’aimerais pouvoir jouer une autre ronde avec mon père. Par contre, si je peux redonner ce qu’il m’a donné aux autres, c’est ma façon de garder son souvenir et son héritage bien vivants en moi.»

Q: Vos parents assistaient aussi à tous vos matchs de hockey et vous êtes devenu assez bon sur la glace.

R: «Oui, je jouais à la défense pour les Panthers de Pickering en ligue Junior B, et j’essayais d’obtenir une bourse d’études avec ça. Étant donné mon gabarit, j’aimais bien la dimension physique du sport, mais malheureusement, ça m’a coûté cher. J’ai les mains pas mal amochées à cause de ça et j’ai probablement besoin d’opérations majeures aux deux épaules – quelques dislocations et des problèmes de coiffe des rotateurs. Voilà pourquoi je tâche de me garder en aussi bonne forme que possible.»

Q: Quel a été votre premier boulot?

R: «Ramasser des balles au Tam O’Shanter, à Scarborough, quand j’avais 14 ans. Il n’y avait pas de terrain d’exercice comme tel, alors j’allais me poster à 150 verges de la zone où les gens frappaient et je passais mes journées à courir après les balles pour les mettre dans mon sac. Après chaque séance de 30 minutes, j’obtenais un bon de droit de jeu.»

Q: Vous n’avez pas eu une enfance dorée au golf, n’est-ce pas?

R: «J’ai grandi comme un col bleu. Je me souviens d’avoir joué avec deux gars qui étudiaient au collège aux États-Unis et moi, j’avais ces copies de fers Callaway Big Bertha pour jouer, des Big Brother, je ne vous mens pas! Je n’ai jamais pris de cours de golf avant ma troisième année comme professionnel, et ce n’étaient pas vraiment des cours, juste quelques bons conseils et des trucs utiles. J’ai toujours fait ce que je pouvais pour envoyer ma balle du point A au point B.

Q: Quand vous avez obtenu votre carte de la PGA du Canada en 1996, où êtes-vous allé travailler?

R: «C’est une drôle d’histoire. J’ai refusé un poste au Toronto Golf Club pour aller travailler au Scarlett Woods. Je me disais qu’en débutant ma carrière au club de Toronto, je resterais dans le garage à voiturettes ou à l’arrière-boutique pendant au moins deux ans, alors qu’au Scarlett Woods, on m’a aussitôt mis dans le feu de l’action. J’ai toujours choisi la voie la plus inusitée.

Après ça, j’ai travaillé avec Terry Miskolczi au Royal Woodbine, enseignant le golf et apprenant sa philosophie. La première année où j’ai enseigné à plein temps, j’ai gagné à peu près 8 000$. C’est alors que Jim McLean et Rob Roxborough (aujourd’hui directeur du National Golf Club) m’ont dépisté pour faire partie en 1999 de la nouvelle école de golf Jim McLean au club de golf de Deer Creek à Ajax. J’y ai travaillé pendant deux ans.»

Q: Comment vous est venu votre talent pour les “trick shots”, les coups improbables, quasiment magiques?

R: «Par ennui, tout simplement. Je passais des dizaines d’heures par jour sur le terrain d’exercice et, entre les cours que je donnais, j’essayais de coups de plus en plus difficiles. Je me suis vite rendu compte que ma bonne coordination oculo-manuelle me permettait de frapper des coups incroyables et j’ai pensé en faire une carrière. La révélation a été de voir Tiger Woods exécuter son fameux coup où il fait rebondir sa balle trois fois sur la face de son bâton avant de la frapper dans les airs. Et puis, un soir où je frappais des balles avec un bois 3 sur le tertre de départ, j’ai constaté que la semelle de titane faisait une étincelle dans la pénombre. Je suis allé chercher une brique bien rugueuse pour y poser mes balles et à chaque coup, il y avait un véritable feu d’artifice! Puis, en faisant rebondir une balle sur la brique, j’ai réussi à la frapper en l’air. Je me suis dit que j’avais trouvé un bon filon, et c’est juste après ça que j’ai fondé Golf With Attitude, pour marier l’enseignement du golf au divertissement.»

Q: Quel est votre facteur de handicap ces jours-ci?

R: «Écoutez, je n’ai joué que cinq rondes de golf l’année dernière. Je suis sur le terrain presque tous les jours à divertir les gens, donner des cours ou animer des collectes de fonds. La dernière chose que je veux faire, après ça, c’est de jouer au golf. Cette année, cependant, avec l’appui de ClubLink, la piqûre m’a repris. Je suis membre du Wyndance Golf Club et je souhaite vraiment ramener mon jeu à un niveau respectable. Il y a deux jours, j’ai joué une ronde de 76 à San Diego, alors je sais que j’ai encore ce qu’il faut.»

Q: Comment est arrivé ce partenariat avec ClubLink?

R: «En novembre dernier, on m’a invité à prononcer le discours de clôture de l’Assemblée générale annuelle de l’Association nationale des propriétaires de terrains de golf du Canada, à Calgary. Brent Miller (vice-président, Opérations d’entreprise et Services aux membres de ClubLink) m’a dit qu’il aimait ce que je faisais et m’a demandé si ClubLink pouvait m’aider. Et voilà. Je suis très reconnaissant à ClubLink pour son soutien. C’est ce que je souhaitais trouver depuis longtemps. Ça rend les choses beaucoup plus faciles.»

Q: Qu’est-ce que cette relation signifie?

R: «ClubLink veut appuyer mes efforts et je vais utiliser le club de golf Wyndance, à Uxbridge, comme base d’attache du golf adapté. Ce qui rend l’endroit si intéressant pour ce que je fais, c’est qu’en plus du parcours réglementaire de 18 trous, il y a là un formidable parcours d’Académie de 9 trous à normale 3, le Down Under, au fond de la carrière. Leurs installations d’exercice sont aussi excellentes. Ça me procure un terrain d’attache pour le golf adapté et ça me permet d’aider quelqu’un qui a des difficultés – à cause de blessures de guerre, d’accidents vasculaires ou quoi que ce soit – à se remettre au golf, à Wyndance ou sur n’importe quel autre parcours ClubLink.»

Q: Comment en êtes-vous arrivé au golf pour les vétérans blessés?

R: «En septembre 2014, on m’a demandé de faire une démonstration d’habiletés à l’hôpital pour vétérans A. Haley, près de Tampa, en Floride, et j’ai vite vu que bien des coups exécutés pour leur simple divertissement imitaient les soldats malades et blessés qui assistaient au spectacle. Par exemple, je frappais des balles les yeux bandés, et il y avait là des gars qui avaient perdu la vue à la guerre. Je frappais des balles d’une main, comme au tennis, et il y avait plein d’amputés d’un bras. Je jouais en me tenant sur un seul pied devant des unijambistes. Je frappais à genoux, et des amputés des deux jambes m’observaient. Des gars en fauteuil roulant me voyaient frapper des balles assis dans une chaise pliante. Ma perspective, mon attitude ont complètement changé à ce moment-là. De longue date, on s’efforce de faire croître la pratique du golf, mais je me suis plutôt dit: “Il faut redonner le golf aux personnes qui ont perdu la capacité de jouer.”

Selon le Bureau du recencement des États-Unis et une étude de l’Université Clemson, 22% de tous ceux qui ont déjà joué au golf ont abandonné le jeu à cause de leur état physique ou mental. C’est beaucoup. La première chose que j’ai faite en revenant au Canada a été d’emprunter la prothèse de jambe d’un ami qui venait d’avoir une prothèse neuve et de l’adapter pour qu’une personne valide puisse se mettre dans la même situation. J’ai ensuite emprunté un fauteuil roulant d’un autre ami qui n’en avait plus besoin, ce qui me permettait de frapper mes coups à partir d’un fauteuil roulant au lieu d’une chaise pliante, et aussi en me tenant debout sur une bonne jambe et une prothèse.»

Q: Vous avez vraiment choqué l’Internet quand vous avez affiché cette photo de vous avec une prothèse.

R: «Bien oui, n’est-ce pas? On n’y voyait pas le bas de ma jambe replié derrière la prothèse. En me réveillant le lendemain matin, je me suis dit que je devais retirer cette photo et en afficher une autre, moins provocante, parce que ma boîte de courriels de désemplissait pas. Il y a des gens à qui je n’avais pas parlé depuis des années qui m’écrivaient pour me demander ce qui m’était arrivé et s’ils pouvaient faire quelque chose pour m’aider.»

Q: Vous avez sûrement des histoires incroyables à propos des gens que vous avez rencontrés depuis que vous avez entrepris cette nouvelle étape de votre carrière.

R: «J’ai donné un séminaire de golf adapté à Sarasota et il y a cet homme, le sergent Geoff Jones, qui était là. Il souffrait de troubles de stress post-traumatique en plus d’être confiné à un fauteuil roulant. Il n’était pas dans le groupe qui participait au cours, mais restait immobile au fond, près du pavillon, et nous regardait. Je l’avais remarqué et, quand les autres sont partis, je me suis assis dans mon fauteuil roulant et me suis mis à frapper des balles. Chaque fois que je posais une balle sur le té, je l’observais du coin de l’œil. Après une dizaine de minutes, il a fait rouler son fauteuil jusqu’au terrain d’exercice. J’ai continué à frapper des balles et j’ai commencé à lui parler, lui demandant ce qu’il faisait, dans quelle arme il servait, des trucs comme ça. Après quelques minutes de conversation, j’ai appris qu’il jouait autrefois au golf et je lui ai demandé s’il se sentait prêt à essayer ça. En moins de vingt minutes, il claquait des balles à 160 verges de sa position assise, et plus droit qu’il ne l’avait jamais fait quand il jouait sur deux jambes!

Plus tard, je l’ai regardé et lui ai demandé s’il voulait y aller, il m’a répondu: “Non, je m’amuse vraiment.” J’ai dit: “Ce n’est pas ça que je voulais dire, je te demandais seulement si ça te tentait d’aller jouer sur le parcours.” On est allés jouer le premier trou, puis le no 9, et je le poussais dans son fauteuil. Je n’avais pas vu que sa femme était là quand on est montés sur le premier tertre de départ. Elle était venue le chercher, mais quand elle a vu ce qui se passait, elle a appelé deux des meilleurs amis de Geoff avec qui il avait l’habitude de jouer avant sa blessure et qui habitaient près du terrain de golf. Alors qu’on remontait l’allée, à une cinquantaine de verges du 9e trou, il a levé les yeux et aperçu sa femme et ses deux meilleurs amis… en larmes. Rappelez-vous qu’il s’agit là d’un soldat à la trempe d’acier, un dur de dur, et le voilà qui éclate en sanglots. Et à mon tour, je me mets à pleurer. C’est là que j’ai vu que, peut-être, j’avais changé sa vie, juste un petit peu. Je lui avais montré que, même s’il ne pouvait plus jouer au golf de la même manière qu’avant, il pouvait retourner sur le terrain pour s’amuser avec ses copains. Un moment fort, pour moi, je ne l’oublierai jamais.»

Q: Vous avez aussi vécu de grands moments aux Jeux Invictus.

R: «Il y a eu ce sergent des Marines, Mike Nicholson, sur le 16e trou du St. George’s. Mike est un triple amputé et au moment où il est monté sur le tertre, il y a le prince Harry qui se pointe, suivi d’une meute de paparazzi et d’au moins mille spectateurs qui entourent cette normale 3 de 160 verges. Mike frappe la balle de son seul bras et elle atterrit sur le vert. Le coup du tournoi! Il y a une photo du prince Harry, les bras au ciel, qui a l’air de dire: “Je ne peux pas croire ce que tu viens de faire!”

Mike et moi sommes devenus de grands amis. Il vit à Tampa et chaque fois que je descends là-bas, on va jouer une ronde de golf ensemble.»

Q: C’est le triomphe de l’esprit humain. Vous avez rencontré bien des gens qui ont traversé le pire et en sont revenus.

R: «Prenez Mike, par exemple. Il a marché sur une mine artisanale au bord de la route, en Afghanistan, et perdu ses deux jambes. En retombant au sol après l’explosion, la grenade qu’il tenait à la main a explosé, lui arrachant le bras gauche. On se demande jusqu’où peut aller la malchance. Mais maintenant, il a une petite fille, sa femme le soutient dans ses hauts et ses bas. Un jour, alors qu’on jouait au golf ensemble, elle l’a appelé pour l’engueuler car il était en retard et avait besoin des couches qu’il était censé acheter en rentrant. La vie normale, quoi!»

Q: Et vous, émotivement, ça doit vous toucher, pour le meilleur et pour le pire.

R: «Il m’arrive de chanceler, parfois. J’absorbe beaucoup d’énergie de ces personnes, tous ces combats qu’elles mènent. Il m’a fallu apprendre à me servir de mes propres mécanismes de résilience. J’ai appris qu’il existait un syndrome de stress post-traumatique au deuxième degré qu’éprouvent les aidants naturels et le personnel soignant. Des épouses de grands traumatisés qui, quand ils les accompagnent dans un lieu public, regardent tout autour pour voir s’il n’y a pas là quelque chose qui risque de déclencher une crise chez leur conjoint, ou qui s’assurent de lui trouver un siège dos au mur, pour qu’il ne se sente pas menacé par derrière. L’hiver dernier, j’en ai ressenti les effets, secrètement. J’ai gardé ça à l’intérieur de moi et n’ai commencé à comprendre que récemment. En parlant avec l’ancien joueur de la LNH Shawn Antoski, qui a eu ses propres démons à combattre, ça m’a ouvert les yeux sur certains mécanismes de défense. Et ma compagne Julie a été vraiment formidable, elle m’aide beaucoup.

Mais il y a des retombées positives, aussi. Quand on se couche, le soir, en sachant qu’on a fait du bien à quelqu’un dans la journée. Il y a cet homme que j’ai amené à un tournoi de golf, l’autre jour, pour assister à mes coups d’adresse. Quand je l’ai reconduit à sa voiture, il m’a remercié de l’avoir invité. Je lui ai dit: “Non, merci d’être venu.” Il a insisté: “Non, tu ne comprends pas. Ça faisait deux semaines que je n’étais pas sorti de mon sous-sol.” Il y a des choses que la majorité d’entre nous tenons pour acquises et auxqelles on ne pense même pas – des démons intérieurs avec lesquels se battent tant de gens autour de nous.»

Q: Vous offrez une sorte de thérapie émotionnelle, mais il y a aussi une dimension physique à ce que vous faites, en les amenant au grand air et en leur faisant faire de l’exercice.

R: «Le terrain de golf est pour ces gens blessés un sanctuaire, un lieu sans stress. Ce qui est super, au golf, c’est que le sport a son propre système de handicap, tout le monde peut jouer.»

Q: Et Golf Attitude, ça marche encore très fort. Combien de prestations par année donnez-vous?

R: «Du 15 mai au 15 septembre, je participe sans doute à une soixantaine d’évènements. Tout le monde veut épater la galerie. Par exemple, je vais me tenir au 5e tertre d’un tournoi d’entreprise ou de bienfaisance et amuser chaque groupe à mesure qu’ils viennent jouer ce trou. L’an passé, j’ai aidé à récolter plus de 3,8 millions de dollars en dons. Pour ma part, j’ai toujours autant de plaisir à voir leur expression quand je frappe quelques coups bizarres pour eux.

Q: Vous êtes bien appuyés par les entreprises.

R: Lesley Hawkins, d’adidas Golf Canada, et David Bradley, de TaylorMade Canada, me soutiennent continuellement depuis 2015, car ils comprennent l’importance du golf adapté dans la vie des gens qui souffrent – adidas a même tourné un superbe documentaire sur le programme Bring Back The Game, où je suis avec trois gars formidables à la Classique de la LPGA Manuvie 2016. Tout ce que je fais pour le golf adapté est bénévole, alors ces partenariats m’aident beaucoup. Maintenant, grâce à cette nouvelle association avec ClubLink, le programme passe à un tout autre niveau.»

Q: Recevez-vous beaucoup de témoignages de ceux que vous avez aidés?

R: «Des tonnes. J’ai même commencé à écrire un livre sur le pouvoir du sport, comment ça peut changer la vie des gens, et j’en fais une sorte de recueil de témoignages. Au départ, il n’était question que de golf, mais il y a des gens de partout dans le monde – du Danemark, de Nouvelle-Zélande, de partout – des gens que je n’ai jamais rencontrés, qui m’ont écrit pour me parler de leur histoire. Des archers amputés, des joueurs de rugby en fauteuil roulant qui veulent une plateforme pour partager leur vécu.

Q: Votre association avec les vétérans blessés vous a amené à faire le tour du monde.

R: «L’US Air Force m’a embauché l’année dernière pour me joindre à une tournée mondiale du programme Recharge for Resilience, on est allés en Corée du Sud, au Japon, en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni et un peu partout aux États-Unis. En juin, j’aurai le privilège d’aller aux Warrior Games – les jeux militaires qui ont inspiré le prince Harry pour la création des Jeux Invictus – qui ont décidé d’ajouter le golf à leurs disciplines sportives. Ils m’ont demandé de faire partie du comité organisateur à la base aérienne MacDill, près de Tampa.»

Q: Avez-vous d’autres projets? 

R: «Il y a un centre récréatif de réadaptation de calibre mondiale à Whitby, l’Abilities Centre, qui souhaite accueillir le golf adapté en hiver. J’ai commencé à parler au chef de la direction de la PGA du Canada, Kevin Thistle, de la création d’un programme de formation et de certification non seulement pour les professionnels de la PGA du Canada, mais aussi pour les ergothérapeutes et ludothérapeutes, afin d’intégrer le golf comme outil de réadaptation reconnu partout au Canada.»

Q: Vous avez un tatouage à l’avant-bras. A-t-il une signification particulière?

R: «C’est une histoire intéressante. J’ai toujours eu des troubles de santé à l’œsophage et, le 5 septembre 2016, je suis allé à l’hôpital de Port Perry pour un traitement de routine. Il y a eu un problème et on m’a aussitôt transféré à l’urgence. Au bout d’un moment, j’ai arrêté de respirer et il a fallu me ressusciter. Il y a eu ce qu’on appelle un code bleu et mon cœur s’est arrêté de battre. Je suis mort et le suis resté pendant quatre minutes et demie sur la table d’opération. On m’a ramené à la vie mais je n’étais pas au bout de mes peines. Ils m’ont ouvert à trois endroits dans l’abdomen. J’avais un tube dans le poumon pour me faire respirer. Ils m’ont mis dans un coma artificiel pour me stabiliser.

Mais j’avais perdu quatre minutes et demie de ma vie. Et puis, quand je me suis réveillé dans un autre hôpital, je me suis rendu compte que j’avais été dans le coma pendant 23 heures. J’ai alors amorcé une relation plus officielle avec ma propre mortalité. J’avais reçu une sorte d’avertissement. Je venais d’apprendre un des grands secrets de la vie: le temps est notre plus précieuse ressource, le bien le plus cher qu’on possède. C’est pourtant la première chose que nous tenons tous pour acquise.

Plus maintenant! Mon horloge allait maintenant vers l’avant, pas comme un compte à rebours. Le tatouage, c’est mon cœur qui bat, puis qui cesse de battre et qui recommence à battre de nouveau. Juste un petit rappel amical.»

Q: Et que voyez-vous dans le futur?

R: «J’ai une vision de ma destination, mais aucune idée de la façon dont je vais m’y rendre. Je m’accroche pour le voyage.